Document 6
Lors de ma dernière version générale de votre Jugement, j'ai retrouvé l'illustre grâce de Raphael dans la beauté de l'invention. Cependant, comme baptisé, j'ai honte de la licence, si illicite à l'esprit que vous avez le prix dans l'expression des aspirations de notre vraie foi. Vous, traitant d'un sujet si élevé, vous montrez les anges et les saints, ceux-ci dépourvus de toute honnêteté terrestre et ceux-là privés de tout ornement céleste. Voyez les païens: sans parler de Diane, qu'ils sculptent habillée, qu'ils modèlent Vénus nue ils lui font couvrir de sa main les parties à ne pas découvrir; alors que vous, qui pourtant êtes chrétien, attachant plus de prix à votre art qu'à votre foi, vous tenez pour conforme à la vérité du spectacle le geste du damné saisi par les organes génitaux, a choisi qui, pour ne pas la voir, ferait fermer les yeux au bordel lui-même. Votre travail aurait eu sa place parmi les délices d'un établissement de bains, non dans un chœur sublime. Aussi serait-ce un moindre vice que vous n'ayez pas la foi, plutôt que d'entamer la foi d'autrui en exprimant la vôtre de la sorte.
Pietro Aretino dit l'Arétin, Lettre de Venise, novembre 1545, trad. AC Fiorato.